Introduction
L'hypnose incarne des propriétés spéciales pouvant en faire un instrument thérapeutique puissant dans un éventail de situations cliniques courantes. Dans le milieu hospitalier, les propriétés uniques des états hypnotiques peuvent se prêter à la préparation des patients pour des interventions chirurgicales et des procédures diagnostiques, afin d’induire l’accalmie physiologique, et de favoriser les attitudes mentales aptes à dissoudre l’appréhension et le stress. L’hypnose médicale peut ainsi contribuer à une qualité optimale de l’expérience hospitalière.
Par ailleurs, dans un contexte psychothérapique, l’hypnose, la méditation, l’hypnose méditative, l’auto-hypnose et le training autogène - tous apparentés - peuvent accélérer la résolution des symptômes physiques et des tensions émotionnelles, comme ils peuvent également s’appliquer à la découverte de forces inconscientes, au développement des talents occultés, à l’épanouissement de la créativité, et à une meilleure acuité relative à la trajectoire personnelle.
Des controverses importantes persistent quant à la nature même de l'hypnose, ainsi qu’aux mécanismes qui sous-tendent les phénomènes hypnotiques divers - et parfois spectaculaires - comme la régression dans le temps, la récupération des souvenirs enfouis, et l'anesthésie. Mais malgré maintes contestations, l'hypnothérapie, vu son succès pragmatique, ne cesse de s’intégrer dans un spectre croissant de spécialités médicales.
Expliquer l'hypnose par le biais des modèles psychologiques traditionnels de l'esprit s’égare souvent dans des labyrinthes théoriques. Toutefois, des méthodes innovantes d'investigation ouvrent des voies d’observation et des perspectives de compréhension de l’hypnose comme jamais auparavant. Remarquablement, l'imagerie du système nerveux central se montre maintenant capable de cerner l'emplacement, l'activation, ou l'inhibition des réseaux neuronaux durant l’induction et la progression des états hypnotiques. Les états modifiés de la conscience se trouvent donc de plus en plus cartographiés dans leurs rayonnements neurologiques, et ainsi l’hypnose démontre sa faculté de contacter l’interface corps/esprit pour façonner des nouvelles connections neuronales.
Nombreuses sont les situations cliniques demandant un jugement approprié – et quelquefois rapide - pour évaluer l'utilité potentielle d’une intervention hypnotique. Aussi, la sélection de la technique hypno-inductive sera variable selon les circonstances présentées et devra considérer nombreux facteurs, dont ceux évoquant l’urgence.
Hypnose hospitalière ultra-rapide: indications et méthodes
Dans la pratique hospitalière, il y a un besoin pressant de contrôler l'anxiété et de moduler la douleur. Généralement sous apprécié est le degré d’intensité du stress ressenti par les patients en attente d'opérations et de procédures diagnostiques. L'appréhension liée au contact avec un milieu inconnu, l'incertitude sur les séquelles possibles des interventions, les souvenirs enfouis de personnes ayant subi des contretemps en milieu hospitalier, peuvent tous contribuer au tonus élevé de l'angoisse pré-opératoire.
L'hypnose ultra-rapide se réfère à un ensemble de techniques spécialisées destinées à induire des états hypnotiques dans des brefs délais, parfois mesurés en secondes. Ces techniques sont particulièrement utiles dans les situations marquées par la pression du temps et par l’animation disruptive de leur milieu - notamment les salles d'urgence - et lorsque le patient se retrouve envahi par un stress aigu tributaire de la peur et de la douleur.
Le succès des techniques hypnotiques rapides dépendra de la foi et du respect que le patient portera pour l'hypnothérapeute. Le contact interpersonnel initial préparant le patient à l’expérience pourra n’être que très court, d’une durée parfois jaugée en minutes, qui pourra s’avérer encore plus écourtée si le patient aura été préalablement notifié d’une visite imminente par l’hypnothérapeute, et du motif de l’intervention.
Au premier contact, les affirmations verbales et les communications non-verbales seront claires quant à leurs objectifs: le thérapeute est là pour atténuer la tension, moduler la douleur, et apaiser les émotions négatives propres à ces situations émouvantes où, à un certain niveau, la possibilité d’une atteinte à la survie même est sous-entendue.
D’autres messages sont également communiqués : l'état d'esprit et du corps que nous cherchons à évoquer rapidement chez le patient avec l’hypnose rapide se manifestera par le calme, la détente, le confort et la paix intérieure, le tout dans un contexte d'énergie et de force vitale, de tranquillité existentielle jointe à l’optimisme, et aussi par une distanciation subjective relative à un environnement souvent perçu comme chaotique et hostile.
Un élément important dans l'hypnose rapide, et ceci particulièrement approprié dans le milieu hospitalier, se situe dans la communication tactile. Au-delà des transactions verbales entre patient et thérapeute, le toucher peut puissamment exprimer les attentes thérapeutiques. L’art délicat du contact tactile, dans sa nature et dans son intention, est crucial pour son efficacité en situation d’urgence. L’acte de serrer la main, de toucher d’une manière empathique l’épaule ou le front du patient, au moment propice, sert à intensifier l’impact des communications hypnotiques.
Sans toutefois être envahissant, le rapport interpersonnel dans l'hypnose rapide est aussi direct et intensif que possible. Un flux verbal soutenu interposé de courts silences destinés à faciliter l’absorption des affirmations, le tout jumelé à une apposition tactile, aidera à faire passer les messages hypnotiques dans l’inconscient du patient. Les affirmations, verbales et non-verbales, choisies avec soin pour correspondre au style de langage du patient, s’énonceront avec clarté et aplomb, sans être imposantes ni autocratiques.
Pour illustrer ces principes, la situation clinique suivante est présentée :
Un cas de pontage coronarien
Un homme d'affaires est transporté à l'hôpital par ambulance après avoir vécu des douleurs de poitrine et un essoufflement aigu. À 55 ans, Fred n'avait jamais été hospitalisé et jusqu’ici était en bonne santé apparente. Les tests à l’hôpital démontraient des blocages significatifs des artères coronaires. Un des médecins, rapportant ces résultats troublants, avait manifesté une expression de visage fortement soucieuse, tout en lui annonçant la nécessité imminente de subir une intervention urgente.
La famille, dans son émoi, appela d’urgence le consultant psychiatrique, car Fred, après ces nouvelles, se montrait de plus en plus anxieux et au bord de l’agitation. Toutefois, bien qu’angoissé, il refusait des sédatifs qui, pour lui, impliqueraient une abdication de son sens de contrôle. Même une anesthésie légère le terrifiait. Néanmoins, il pouvait accepter une technique de relaxation, y compris l'hypnose, car pour lui, l'hypnose, dans ses évocations et concepts, avait la capacité de rétablir son calme et de contribuer à sa guérison.
Envahie par la cacophonie des moniteurs et par le rythme accéléré du personnel, la section d’urgence ou se trouvait Fred lui semblait frôler le chaos. Le rideau autour de son lit, agité avec chaque va-et-vient, une fois écarté, le révéla pâle, tendu, au regard furtif. Sa femme lui tenait la main. Connecté à des sondes et multiples cathéters, les tracés de l'oscilloscope ponctués par d’agaçants beeps affichaient les pulsions rapides de son activité cardiaque.
Son regard parlait de sa détresse, de son vif désir de regagner son bien-être, et de son embarras d’être en position de dépendance. Prié d’indiquer s'il aimerait se voir calme, détendu, confortable et détaché de l’agitation ambiante, tout dans une enveloppe de détente, d'énergie et d'optimisme, il hocha la tête affirmativement, avec un demi-sourire incrédule. Souhaiterait-il une intervention hypnotique ? Il balbutia son acceptation.
Empoignée, sa main s’avéra moite et légèrement tremblante. Avec un contact visuel délicatement maintenu, son bras, doucement guidé, assuma une position horizontale, imagée en ballon flottant. Le doigt de l’hypnothérapeute s’apposa sur son front, ses paupières se refermèrent. La sensation de pesanteur accentuée par suggestions répétitives, se traduisait par un lent affaissement de son bras dans les plis de ses draps. Il accéda à un état spécial de sa conscience : l’hypnose.
Son corps, préalablement contracté par son angoisse, se retrouva soudainement paisible, dans un relâchement de l’emprise des méchanismes de réactivité propres à son système limbique, l’appelant à la mobilisation pressante et automatique de son organisme. La rythmicité de ses respirations, l’harmonie et la lenteur de ses mouvements thoraciques et abdominaux, la décrispation de son visage, communiquaient la distance, dans son monde mental, qu’il assumait par rapport à un environnement perçu viscéralement comme adverse, et même hostile.
L’approfondissement de l’état hypnotique le guida dans une dimension d'esprit autre, marqué par une perspective de détachement traduite par une sensation de légèreté indéfinissable, dans une optique de flottaison par rapport à la gravitation de son corps.
Son inconscient, néanmoins, restait attentif. Faisant appel à cette dimension de son subconscient répondant à une certaine logique, ne serait-il pas avantageux pour lui de se détendre profondément, ou même d’inviter le sommeil avant la procédure, afin de recharger ses énergies vitales ? Et durant le cours même de la procédure, ne serait-il pas un atout pour lui que de rester calme, en pleine harmonie interne, avec une tension artérielle stable, et un rythme respiratoire paisible ?
En fait, une partie de l'inconscient, qui elle se maintient en état de veille au cours des opérations, et même durant l’anesthésie générale, reste prête à exécuter les directives hypnotiques préalablement administrées, si celles-ci sont perçues comme étant fondamentalement bénéfiques pour l’organisme.
Fred sortit de son expérience hypnotique préopératoire remarquablement calmé. Un sourire évanescent se dessina sur son visage, tandis que, comme sortant d'un rêve, il murmurait quelques mots de salutation. Puis, il s’endormit. Réveillé peu avant le début de la procédure quelque deux heures plus tard, il fit part de son état inhabituellement détendu, en disant d'un air éthéré, «je suis heureux, je vais avoir un cœur nouveau".
Comme souvent dans les cas de procédures assistées par l'hypnose médicale, la durée de son intervention s’avéra bien plus courte que la normale. L’accalmie et la stabilité physiologique accrue du patient sous hypnose contribuent à fluidifier le processus opératoire afin d’augmenter les probabilités de son succès.
L’hypnose méditative : indications et méthodes
L’hypnose méditative, contrastée à l’hypnose rapide, représente une autre polarité dans l’éventail clinique des techniques hypnotiques. Comme son appellation l'indique, l'hypnose méditative se réfère à une fusion d’anciennes techniques de pratiques introspectives, avec des méthodes dérivées de la science contemporaine qu’est l'hypnose médicale. Cette intégration permet des interventions cliniques plus souples et adaptées, plus efficaces qu’en utilisations individuelles.
La méditation encourage l'expansion de la perception de soi. Par la pratique de l'attention sciemment dirigée, les affluents sensoriels de la perception révèlent des dimensions de l'organisme jusqu’ici occultées. Cette ouverture de la conscience intérieure développe les connections psycho-neurologiques qui, dans une direction afférente, augmentent la sensibilité systémique et, dans une direction efférente, facilitent le transit des directives méditatives destinées à renforcer le bien-être, et animer le déploiement des facultés psychiques.
Un cas d'hypnose meditative : libération de la créativité émotionnelle
Un cinéaste savait depuis longtemps qu'il attendait plus de lui-même et de son travail. Maintenant au début de sa quarantaine, il connaissait un certain succès professionnel, mais, selon un avis partagé par plusieurs collègues, il était loin d’avoir libéré le plein potentiel de sa créativité. Ses scénarios n’arrivaient pas à octroyer à leurs personnages leurs éclatantes couleurs émotionnelles, et le public en ressortait avec des réactions tièdes. Où se trouvaient les obstacles l’empêchant d’exprimer les effets cinématographiques percutants tant recherchés ?
Il n’y avait aucun doute qu'une grande partie de cette inertie émotionnelle trouvât ses racines dans la dynamique d’une famille dysfonctionelle marquée, depuis son enfance, par les inexplicables explosions affectives d’une mère maniaco-dépressive, et par l’anémie sentimentale de son père. Confronté par ces explosions imprévisibles, il se réfugia dans un bunker émotionnel.
Pour mieux comprendre l’expérience de son univers subjectif, il lui a été demandé de retracer ses émotions, telles que vécues dans sa vie quotidienne. Quelles émotions se manifestaient, dans leur fréquence et intensité ? Dans quels contextes étaient-elles manifestées durant le cours de sa journée ? Comment ces expériences, proprement dites, influaient ses activités créatrices ? Et dans l’architecture de son schéma corporel, où pouvait-il situer et jauger les sensations physiques correspondant à ces émotions ?
Après une période de réflexion, il finit sur une pensée, qui pour lui, semblait révélatrice. Les émotions les plus persistantes dans sa vie quotidienne, regrettablement, se situaient dans le vaste spectre de l'anxiété, et en quantité non négligeable, dans le copieux éventail ressentiment/colère. En effet, ces deux émotions primales peuvent être vécues dans leurs myriades de configurations, pour la plupart impliquant non seulement psyché, mais aussi l’univers du corps ; et, dans un contexte d’anxiété, et plus somatiquement, d’angoisse, lorsque d’autres émotions, notamment les émotions positives, comme la tendresse ou la douceur, cherchent à se faire savoir, les tensions anxiogènes peuvent les émousser, et meme les éteindre.
Quant à la localisation des émotions dans son corps, il fit des gestes approximatifs englobant sa poitrine, sa gorge et son abdomen, accompagnés de descriptions relatant des sensations diffuses et omniprésentes, dans une analogie d’un “étau serrant un espace vide, le tout imbibé d’une chaleur déplaisante”.
Une technique méditative qu’on pourrait appeler “voyage intra-corporel" l’initia dans l’art de diriger son conscient dans les grands réseaux du système nerveux, en commençant par les circuits impliqués dans la respiration. Reconnu depuis des millénaires, le processus respiratoire est un bon point de départ, parce que son innervation reçoit à la fois les contributions du système volontaire, et celui du système autonome. A partir de sa case de départ respiratoire, il pu se diriger vers d’autres territoires internes pour étendre progressivement le domaine du sens de son “moi”.
Dans cette plongée interne, il contacta initialement les abords de son anxiété, et ensuite, poussant plus loin, les remous plus inconfortables du noyau même de ce qui, depuis longtemps, sous-tendait ses comportements d’évitement. Et puis, subitement, durant une méditation hypnotique, une révélation poignante qui pourrait paraître évidente, à savoir banale : son anxiété provenait pleinement de lui-même ! C’était bien lui et lui seul qui permettait son existence et sa création. Non, son anxiété ne provenait pas de l’extérieur comme souvent perçu, mais bien de mécanismes propres à sa personne. Dans cette aventure méditative, son sens du “moi” avait réussi à s’étendre dans le profond de ses entrailles, pour contacter directement la source de son anxiété.
Une succession de scénarios anxiogènes divers appartenant à sa vie quotidienne lui fut présentée dans le cadre de son expérience méditative. L'hypnose intensifie l’imagerie émotionnelle et se trouve capable de réparer les connections neuronales contraires au bien-être. Invités à se manifester dans son imagination, ces scénarios sélectionnés ont pu reprogrammer ses réseaux psycho-neurologiques dans une optique de détente méditative. Il apprit à reconnaitre les riches nuances de ses différents états affectifs. Enfin suffisamment libéré du joug de son anxiété agglutinante, il entama un processus d’auto-découverte, lui permettant accès à la riche palette émotionnelle de sa vie intérieure, pour enfin l’appliquer directement et avec succès à son art. Son travail de cinéaste trouva enfin ses couleurs désirées.
Conclusion
L'hypnose rapide et l'hypnose méditative représentent les extrêmes d'une panoplie de techniques hypnotiques contemporaines aptes à épanouir le champ de leurs applications psycho-médicales.
Les situations d'urgence médicale, marquées par la présence d’un stress élevé, d'anxiété anticipatrice, et de mal-être physique, peuvent s’avérer candidates de choix pour un recours à l'hypnose rapide. Souvent, les patients dans ces situations se trouvent dans un état de déstabilisation psychologique, et donc peuvent se montrer exceptionnellement réceptifs à une intervention hypnotique.
L’hypnose rapide – ainsi que tout autre apport hypno-thérapique – exige le consentement du patient. Une fois obtenu, plusieurs options hypno-interventionelles peuvent se présenter. Le choix de la technique reposera sur plusieurs facteurs, dont le niveau de stress, qui sera un élément primordial.
Comme il est illustré ci-dessus, la préparation du patient pour une induction rapide peut être considérablement comprimée pour n’inclure q’une déclaration succincte relative aux objectifs poursuivis. L'induction proprement dite peut être courte, voire ultra- courte, dans un temps quelquefois jaugé en secondes.
Dans les cas où le patient est soumis à des procédures opératoires - même celles nécessitant une anesthésie générale - les affirmations hypnotiques administrées préalablement sont invitées à se déclencher ultérieurement durant le cours même de l’intervention. Celles-ci font appel au maintien de la résilience corporelle et à l'harmonie intérieure, dans un but de stabiliser les paramètres physiologiques tels que la tension artérielle, la fluidité respiratoire, et la solidité du rythme cardiaque. En voie de conséquence, les probabilités de succès opératoires seront ainsi considérablement renforcées.
L’hypnose méditative, d’autre part, représente un ensemble d’états de contemplation de réceptivité, charactérisé par une sensibilité accrue du paysage intérieur, induit initialement par des instructions hypnotiques, mais approfondi progressivement par le patient.
L'hypnose méditative favorise une approche d'auto-actualisation par le biais de l’auto-découverte, permettant au patient de déterminer la direction de sa propre évolution thérapeutique. L'hypnothérapeute, dans ce contexte, fonctionne en tant de guide – et non pas de leader - pour adapter les techniques méditatives aux aptitudes et aux aspirations uniques du patient. Dans l'anxiété, par exemple, quel que soient ses expressions dans le spectre de ses manifestations possibles, son emprise cède ainsi à la poussée inexorable de l’élargissement du champ de la perception de soi, par la conquête progressive des réseaux neuronaux appartenant à l’interface esprit-corps.
References